Chronique du prof - dimanche 14 février
Dimanche 14 février
Les journées sans élèves se suivent et ne se ressemblent pas. Nous n’avons de nouvelles de personne hormis de Morgan qui déambulait courageusement malgré la bise froide dans les rues du vieux Québec en compagnie de sa famille ontarienne, et de Baptiste qui apporte consciencieusement son commentaire critique sur notre blog. Bref, silence dans les rangs, ce qui, au demeurant, est tout à fait bon signe.
Le trio de profs désœuvrés a poursuivi son exploration méthodique de la
culture et des traditions canadiennes, notamment québécoise. Vous décrire la conscience professionnelle qui nous anime mes chers collègues et moi-même relève de la gageure (sic). Dans le but de
mieux préparer un éventuel autre séjour au Canada, nous avons mis à profit ces journées d’inactivité forcée pour bien cerner les attraits de l’ancienne capitale de la Nouvelle France. Exit le
musée de la «Québec expérience» dont l’intitulé et la présentation prétendument moderne autour d’un film historique en 3D dissimule un avatar de documentaire aussi ronflant et prétentieux que
creux. A oublier également le musée de l’Amérique française, presque exclusivement centré sur le séminaire fondé par l’évêque François de Laval et l’activité du clergé catholique à Québec et dont
la spécialisation ne correspond en rien aux besoins de nos collégiens. En revanche, la place royale, l’escalier Casse-cou, la rue Saint Jean et toutes les ruelles de la ville basse ont conservé
un charme indéniable et attestent encore à travers leur architecture de l’origine française de la cité. Le détour par l’île d’Orléans où a vécu Félix Leclerc et qui cumule fonctions agricole et
résidentielle est recommandé.
Si la météo est clémente comme ne cessent de nous le rappeler nos hôtes et guides, la température ressentie oscille entre -10 à -14 degrés Celsius selon l’heure. Dès la nuit tombée,
le froid s’invite et la longue attente de la parade du carnaval hier nous a dissuadés d’y amener des élèves un jour. En revanche, la croisière sur le Saint Laurent à bord du traversier qui fait
la navette entre Québec et Lévis a de quoi recueillir leurs suffrages tant est impressionnant l’avancée du bateau à travers les glaces épaisses et malgré la violence du courant. Pour le reste,
Québec est une destination touristique de renom où les enseignes attirantes (et chauffées) abondent et résister à la tentation du magasinage est presque impossible. Notons cependant l’extrême gentillesse, la grande patience et la disponibilité de tous les canadiens que nous avons rencontrés, à Ottawa comme à Québec.
La tourtière québécoise, le mijoté de caribou, le bleuet framboise, le gâteau de carottes, la tarte au sucre, la tire sur la neige, la soupe de pois etc. nous goûtons, testons et essayons sans relâche la gastronomie locale à des fins exclusivement pédagogique évidemment. Comme chacun le sait, l’érable est ici un ingrédient de choix. On le trouve partout : sirop, glaces, sucre, gâteaux, brioches, confiseries, thé, beurre, pancakes, etc. Difficile d’y échapper.
Notre enquête sur le sort réservé aux castors sans queue a nettement avancé
ce jour. En résumé (1), la population des castors canadiens (Castor
canadensis), décimée par la chasse intensive qui lui était faite pour sa fourrure depuis l’arrivée des européens a failli disparaître au XIXe siècle. Quelques passionnés ont choisi de
protéger l’espèce à partir de 1898, en s’attachant tous particulièrement aux animaux mutilés par les pièges et que l’on projetait de maintenir en captivité car leur survie à long terme paraissait
fortement compromise. En effet, la queue du castor sert
à accomplir d’importantes tâches, tant dans l’eau que sur la terre ferme. Dans l’eau, elle sert de gouvernail à quatre sens. Sur la terre ferme, le castor s’en sert comme appui lorsqu’il s’assoit
ou se dresse sur ses pattes postérieures. Elle lui sert aussi à garder l’équilibre et à le supporter lorsqu’il marche sur ses pattes postérieures. Elle lui permet enfin d’alerter ses congénères
en cas de danger. Un castor sans queue est comme un élève sans cahier, il est condamné à vivoter, à subsister tant bien que mal comme un fugitif
toujours en sursis. Pourtant, quelques individus (castor catus anura) ont pu s’échapper et fonder des colonies dans des territoires reculés. Ces
communautés précaires, peu nombreuses et mal connues, ont survécu notamment dans les zones marécageuses défavorables à leurs prédateurs naturels (loups, ours…). Combien sont-ils ? Comment
s’organisent-ils ? De quelle manière ont-ils compensé la perte de leur appendice caudal ? Autant de questions restées pour l’heure sans réponse.
(1) Toutes ces informations proviennent de
l’ouvrage (épuisé) « Histoire naturelle d’un animal surnaturel» de Ken Rivard, Ed Boréales, Montréal, 1998.
Nous remercions tous ceux et toutes celles qui accompagnent notre séjour de leurs commentaires. Dès mardi soir, nous aurons la possibilité de reproduire ici le récit de ces quatre journées fériées, sorte de viaduc façon canadienne, telles que rapportées par huit de nos voyageurs.
Ce fut une journée fort instructive quoique «ventue»
DR