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Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Publié le par Saintex

Chronique des profs du jeudi 6 février 2014

Hier nous dévalions des pentes l’arrière-train au frais, aujourd’hui nous avons fréquenté les ptérodactyles, les ours blancs et les urubus, puis nous avons dépensé quelques piastres en souvenirs et cadeaux avant d’assister pour finir à une joute haletante de hockey à l’aréna d’Ottawa. Longue journée que ce premier jeudi de février en terre canadienne. Nos collégiens marollais ont embauché à 8h à l’arrêt de bus et débauché dans la froidure nocturne peu avant minuit (à un autre arrêt de bus).

Il en est ainsi quotidiennement des dures conditions d’exercice de notre profession d’expatriés amateurs que beaucoup nous envient ; conditions climatiques redoutables, gelures, horaires extensibles, prime de risque inexistante, ambiance détestable, café inodore, cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques en différé ….j’en passe et des pires.

C’est pourquoi nous voudrions profiter de l’opportunité qui nous est donnée de réfuter ici des propos tendancieux publiés sur un blog inconnu par un cartel de parents orphelins et dénoncer vivement les allégations fantaisistes ainsi propagées. Non, nous n’avons commis aucun délit (d’ailleurs le tribunal nous a acquittés faute de preuves), pillé aucun coffre et dégradé aucun mur si ce n’est pour la beauté de l’art. Le seul casier chargé est celui que nos blousons rouges partagent chaque matin avec leurs correspondants

Ceci nous donne d’ailleurs l’occasion d’ouvrir le dossier délicat de l’immense sens du devoir de l’équipe de professeurs missionnée sur les rives de l’Ouataouais.

Pour nous autres enseignants, la prise de risque est considérable car nous engageons notre responsabilité, notre santé et notre équilibre mental à chaque fois que la gang des blousons rouges investit un lieu. Nous voudrions ici souligner combien la chose est délicate, de quelle dose infinie de vigilance il nous faut déployer afin de prévenir accidents et catastrophes voire pire.

Ce matin par exemple, nous avions un long trajet en bus public depuis l’école jusqu’à notre destination matinale avec correspondance à la station Mc Kenzie Bridge qui a la particularité d’être un corridor ouvert à tous les vents. Nous constatons sur le quai qu’en dépit de nos remontrances de la veille, notre club de miss ne porte toujours pas de tuque et, pire encore, enfouit la grosse écharpe sous la veste et l’anorak si bien qu’il leur est impossible de clore l’écoutille à l’aide du zipper. Notre second bus tardant, nous décidons de faire patienter tout le groupe à l’extérieur histoire de mesurer l’impact du froid sur la douce peau d’un cou gracile. Quand notre transport survient, nos demoiselles frigorifiées ont compris la leçon.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Mais qui mesure le danger que nous faisons courir à notre propre santé en usant de pareils stratagèmes à des fins éducatives ?

Prenons également la visite anodine du musée de la nature d’Ottawa, en apparence un musée ordinaire où l’on accueille de la manière la plus pédagogique qui soit les jeunes du monde entier, c’est-à-dire de France et du Canada.

Mais, rendez-vous compte ! La disposition des lieux nous contraint de laisser circuler librement, par groupes de trois ou quatre nos fragiles adolescents au milieu de féroces tyrannosaures dont les quenottes sont longues comme le majeur de monsieur Legay, d’énormes tricératops qui ne quittent pas de leur œil méchant l’innocent visiteur ou des Vagaceratops irvinensis dont le crâne mesure environ 1,4 m de long, collerette incluse. Celle-ci a une largeur de 1 m à l'endroit le plus évasé. Cette petite bête mesurait probablement 3 m de long du bout du « bec » jusqu'aux hanches, et la queue devait mesurer 2m ! Imaginez un instant que l’animal sorte de sa léthargie du fait d’une défaillance de la sonde de régulation du chauffage du musée (cela arrive dans les meilleurs établissements !) ou parce qu’un élève inconséquent lui a tiré imprudemment la langue. Heureusement, nous avons anticipé cela et madame Antonini possède toujours un sifflet sur elle.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

A l’étage supérieur, nos jeunes gens errent parmi les loups, l’ours blanc et le grand cerf nord-américain que la plupart d’entre s’obstinent à trouver original alors qu’il n’est qu’orignal ! De l’importance de lire avec soin un énoncé ! Qu’arriverait-il si ces Canis lupus arctos se lançaient à la poursuite du ruminant en plein musée ? Hein ? Là encore, c’est prévu ; monsieur Legay ne se démunit jamais de son couteau suisse.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Plus grave encore, nos élèves sont invités au deuxième étage à découvrir la géologie terrestre mais sans mesurer exactement la nature des dangers encourus tandis qu’ils circulent dans une immense salle sombre. A gauche de l’entrée, des astéroïdes s’écrasent toutes les deux minutes sur la terre alors que les visiteurs ne portent pas de casque. Plus loin, des enfants parfois sans surveillance manipulent d’inquiétantes machines destinées à provoquer des tremblements de terre. Sans notre intervention, Lou aurait pu ainsi multiplier les séismes d’envergure partout dans le monde tant elle prenait plaisir à déclencher encore et encore les colères de Gaïa, la Terre. Sur la droite, un engin maléfique pourvu d’un écran géant suscite les éruptions en série et Aurianne y a trouvé là matière à épancher son tempérament volcanique coutumier.

Mais à chaque fois, l’un de nous, est présent et entreprend par une intervention appropriée, et au péril de sa quiétude intérieure, de circonscrire le champ de ces phénomènes destructeurs.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Au sous-sol, se situe l’animalium où des individus mal intentionnés ont rassemblé d’affreuses bestioles sans doute retrouvées dans les bagages de touristes négligents ou inconscients en provenance de régions exotiques tropicales (Nice, Perpignan, Etampes etc.). Là aussi, il nous a fallu veiller au bien être psycho-anatomique de notre « gang de blousons rouges » ! Ainsi Chloé, terrorisée par la vision d’une tarentule ou Aurianne qui paniquait à la vue d’un scorpion d’Afrique, lequel pourtant s’est réfugié dard-dard dans son trou. Jules, alias Blatteman, a en revanche courageusement affronté les cancrelats géants, alors qu’Enzo se montrait sensible au charme des jolis phasmes tout comme Marie séduite par le chant d’autres blattes mais d’un modèle siffleur celui-là.

Là encore, imaginons qu’une de ces arachnides s’échappent de son enclos sans prévenir la direction et cela pendant la visite de nos collégiens ? Notre mission (et nous l’acceptons) est que nous ne devons jamais relâcher ni notre vigilance ni les insectes.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

En revanche, il nous est plus difficile de parer au risque sanitaire dans la mesure où nous sommes partis sans le laboratoire d’analyse biochimique du collège prêté pour deux ans à la NASA. Célia et Maélys ont été ainsi victimes en fin de journée d’une attaque au soda (sans gravité ! rassurez-vous ô les mamans abandonnées !) provenant d’une boisson dont Sarah, qui avait flairé le piège, avait su se débarrasser. Nos deux amies en ont été quittes pour coincer la bulle le temps d’un retour dans un bus.

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Danger encore lors de l’incontournable séance de magazinage dans le quartier du marché By quand il faut attendre Alexia qui hésite pendant 10 minutes devant des chocolats qu’elle ne choisira finalement pas au grand désespoir d’une vendeuse tournée en bourrique mais formidablement stoïque et alors que le restant du groupe tourne en rond dans la boutique ou quand Salomé sème dans le centre commercial le cadeau qu’elle vient d’acheter. Il faut être devant pour précéder ceux qui marchent d’un bon pas et qui respectent les consignes et derrière pour ceux et celles qui s’attardent toujours pour des raisons infiniment variées et mystérieuses. Un œil sur Jules, un autre sur Louise et un troisième sur un éventuel franc-tireur occasionnel… Telle est la tâche cyclopéenne qui nous est dévolue quotidiennement.
Sarabande d’achats, valse de cadeaux, polka de souvenirs, chacun a fait ses emplettes, vidant sa bourse pour la bonne cause. (Sauf Jules qui a cherché toute la journée son porte –monnaie oublié chez son correspondant).

Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Retour à l’école où on se sépare pour mieux se retrouver à 17h55 précise à l’arrêt de bus « Trim ». Vingt-six jeunes étudiants canadiens, vingt-six jeunes collégiens français et huit jeunes professeurs embarquent pour une traversée nocturne de la capitale du Canada. La patinoire d’Ottawa semble drainer toute la cité fédérale : une foule considérable afflue pour assister à la joute de hockey qui oppose les Senators d’Ottawa et les Sabres de Buffalo (Etats-Unis) bons derniers du classement de la Conférence Nord de la NHL (National Hockey League). Le public est bon enfant et l’ambiance détendue mais il nous faire bonne garde pour n’égarer personne dans la cohue. Nombre de nos jeunes arborent un tee ou un sweat – shirt prêté par leur correspondant à l’effigie de l’équipe du cru. Nous sommes installés tout en haut des gradins et jouissons d’une bonne vue d’ensemble sur la patinoire et sur l’écran géantissime qui la domine.


Le match commence. Les spectateurs s’assoupissent pendant le premier tiers-temps où rien n’évoque les fastes du palet jusqu’au premier but des Senators peu avant la pause. Important, cet intermède car il permet d’aller au ravitaillement : poutine, pizza, pop-corn, barbe à papa, confiseries et sodas… On confine au sommet de l’excellence nutritionnelle !


Les visiteurs américains encaissent un second but d’entrée de jeu ; on croit le match plié quand dans un sursaut d’orgueil les Sabres le déplient en réduisant le score coup sur coup : 2-2 ! Dans les minutes qui suivent les Senators courent vainement à la poursuite de la grosse rondelle noire et l’on craint même que la situation s’aggrave tant ils se montrent improductifs. Le second entracte survient bien à propos ; il faut aller faire le plein et Rachel remonte avec sa barbe à papa à la fraise pendant que Chloé opte pour la myrtille et Marie la pomme. Alexia consomme de la pizza tandis que Lou réapparait, un sourire triomphal aux lèvres, avec un énorme gobelet de pop-corn entre les mains. Nous résistons à la tentation de les imiter de façon à garder les idées claires.


Les joueurs locaux balbutient leur hockey et une partie de nos demoiselles dépitées par le jeu produit se focalisent sur leur nourriture. On se dirige vers un résultat de parité quand à 20 secondes de la fin, le meilleur duo des Senators arrache la victoire. Ottawa a bien joué trois minutes trente sur soixante mais a gagné. Tout le monde est content sauf les Sabres qui ont du vague à lame !


Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.
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Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas.

Nous rameutons notre troupe et négocions un retour délicat jusqu’à l’arrêt des bus au milieu de 18 243 autres spectateurs qui se dispersent dans le froid et la nuit. Petite montée d’adrénaline, il nous manque une quinzaine de jeunes et deux professeurs canadiens ! Ouf, ils arrivent ensemble (ce qui n’était pas plus mal) et rejoignent le restant du groupe. Tous repartent ensemble sous la conduite de nos collègues de Gisèle Lalonde tandis que nous regagnons nos pénates temporaires par un autre chemin.


Le match nous a épuisés. La journée a été longue mais il faut encore traiter notre correspondance professionnelle, trier les photos, les mettre en ligne (énorme travail de l’équipe technique, je tiens à le préciser !), éditer les textes des élèves, et maintenant des parents, répondre aux demandes d’interview, prendre notre tension, soigner les blessures (tendinite du majeur droit et de l’index gauche), mettre les gouttes dans l’œil, contacter notre avocat, travailler notre accent franco-ontarien, prévoir le programme du lendemain, s’assurer que Jules a retrouvé son porte-monnaie, que Chloé va bien et rouvrir le délicat et complexe dossier du castor sans queue…


Ce fut une longue et palpitante journée mais fort plaisante où l’innocence de la Red gang fut amplement démontrée.


Demain est un autre jour.


DR alias Steve McMarolles

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V
Melvin doit exceller dans l'excellence nutritionnelle ......<br /> et puis si vous aviez emmener avec vous une infirmière vous auriez eu beaucoup moins de travail , pensez y la prochaine fois ....<br /> Cela dit je trouve que vous faites tous les trois énormément de choses , nous ne sauront jamais vous remercier de trop et comment
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A
Encore une belle journée pimentée par une superbe soirée.
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K
Comme c'est agréable de lire les chroniques d'évènements qui se répètent chaque année, mais écrites différemment ! On a l'impression de redécouvrir le Canada et ce formidable voyage =)
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