Il reste combien de temps avant l'arrivée ?
Formulée ainsi ou sous d’autres formes, voici donc la question existentielle du jour.
Les horaires ont pourtant été scrupuleusement respectés et même davantage ! Aucun retardataire dans le petit matin glacé et l’autocar était à l’heure. Après avoir refoulé, quelques parents qui essayaient de se glisser dans les soutes pour nous accompagner dans notre périple canadien, nous avons mis le cap pour Roissy non sans répondre vingt-douze fois à la sempiternelle interrogation : « à quelle heure on arrive ? »
Après un embarquement expédié, deux heures d’attente, pendant lesquelles nous avons rôdé la cohésion et la discipline des trois groupes de 8 élèves constitués en vue des visites et activités prévues lors de notre séjour. Rendez-vous toutes les vingt minutes là où étaient les profs. (au café, dans le kiosque à journaux etc…) A ce petit jeu, le groupe B (B comme Legay, pour A comme Antonini et C comme Renault) s’est montré le moins réactif. Sans surprise, il est vrai, puisque il s’agit de huit garçons ! Deux heures, c’est long quand on brûle d’impatience et qu’on se consume d’appréhension à l’idée d’un premier voyage aérien ! « M’sieur, on embarque bientôt ? »
Un vol sans histoire, avec une première collation à 14h heure française (pâtes au poulet ou nuggets/frites pour quelques privilégiés qu’une hôtesse cajolait), et une seconde à 18h, toujours à l’heure française, mais midi à l’heure canadienne avec pizza made in Toronto, c’est-à-dire avec une pâte à base d’hévéa.
A quel moment sent-on qu’une journée, jusqu’alors parfaitement maîtrisée, vous échappe, vous glisse entre les doigts à la manière de la neige quand elle fuit ? Pas facile de saisir l’instant où tout bascule, où la mécanique bien huilée des heures semble se gripper.
Pour Thomas, tout a commencé à l’aéroport quand il lui a fallu retrouver cette fichue bouteille d’eau minérale enfouie dans les profondeurs d’un sac où elle se dérobait alors qu’un agent de la police des frontières la lui réclamait très expressément !
Pour Amélie, dont c’était les grands débuts dans le transport aérien, la descente de l’avion vers Montréal, particulièrement douloureuse pour ses oreilles, a converti instantanément les lumineuses premières heures de vol en un long calvaire de 15 minutes.
Pour Guillaume, la chose est entendue ; l’apparition très tardive de sa valise en partie éventrée sur le carrousel n°4, l’a laissé désemparé et ses premiers pas sur le sol canadien resteront à jamais mêlés dans ses souvenirs à la tragique image d’un bagage mortellement frappé au service de la Francophonie.
Fort heureusement, souvent, sans qu’on sache trop pourquoi, la bouteille insaisissable se glisse d’elle-même dans la main, la souffrance se dissipe une fois les deux pieds à terre et la valise meurtrie lègue son contenu à une jeunette pimpante qu’il suffit de quérir gratuitement dans le magasin approprié.
Et puis, en face de ses instants perdus, il en est d’autres qui se superposent et s’enrichissent mutuellement dans les mémoires :
Ainsi Alice qui déclare devant le collège qu’elle ne pourra réaliser ce qui lui arrive qu’à l’aéroport où elle affirme qu’elle ne mesurera réellement son bonheur que dans l’avion où elle décide qu’il lui faut attendre d’être au Canada pour prendre vraiment conscience de sa situation ! Avant d’énoncer une fois arrivée à Montréal : « c’est comme si il y avait deux Alice et que l’une des deux ne parvient toujours pas à réaliser que le projet dont on parle depuis si longtemps a réellement lieu !»
Ainsi les parties de cartes à l’arrière de l’avion où nous étions regroupés, les interrogations des uns ou des autres sur l’itinéraire de notre avion, les paysages survolés de l’Angleterre à l’Ecosse, de l’Irlande au Nunavuk, l’absence de plaque minéralogique à l’avant des voitures…
Ainsi Julie qui s’essaie aux blagues « Carambar » en oubliant la fin de son texte…
Ainsi les remerciements adressés dans l’autocar par l’ensemble du groupe à leurs trois profs…
Ainsi l’accueil comme toujours très chaleureux de nos amis canadiens.
Il serait sans doute difficile de faire admettre à un observateur étranger que ces jeunes gens se rencontraient pour la première fois tant il était visible qu’ils avaient pour la plupart déjà tissé des liens étroits.
Ce fut une belle et radieuse première journée.
DR
PS : Moins huit degrés à Marolles à 7h du matin, moins quatre degrés à Montréal à 14h … ! Cherchez l’erreur !
NB : Vous pouvez voir les photos dans l'album 0001-02 février